Antidiabétique de la famille des agonistes du GLP-1, le sémaglutide est de plus en plus souvent détourné pour maigrir, avec toujours le même risque, celui de reprendre le poids perdu. Les explications des Professeurs Zoltan Pataky, responsable de l'Unité d'éducation thérapeutique du patient et co-directeur du Centre de l’obésité et de la chirurgie bariatrique aux Hôpitaux universitaires de Genève, et Nicolas Schaad, pharmacien-chef de la Pharmacie interhospitalière de la Côte, suivies d’une liste d’archives de la Revue Médicale Suisse sur le sujet.
Depuis l’arrivée des premiers agonistes du GLP-1 (Glucagon-like Peptide-1) sur le marché, un vent nouveau souffle sur la prise en charge de l’obésité. En Suisse, seul le liraglutide (Saxenda) est pour le moment commercialisé dans cette indication mais il a été démontré que le sémaglutide (Ozempic) était associé à une perte de poids encore plus importante. S’en est suivi une ruée sur ce médicament, malgré le fait qu’il soit approuvé exclusivement pour le traitement du diabète de type 2 (tableau 1). « D’un point de vue scientifique, il n’y a pas de contre-indications à la prescription de sémaglutide chez des patients en situation d’obésité ou de surpoids car cette molécule a démontré son efficacité dans ces populations, explique Zoltan Pataky. Le problème se situe plutôt au niveau de l’approvisionnement : on a assisté ces derniers mois à des pénuries de sémaglutide pour les patients diabétiques, non seulement en Suisse mais dans le monde entier. »
Pour obtenir ce médicament, les patients se tournent le plus souvent vers leur généraliste. Pourtant, le suivi par des spécialistes est indispensable car l’obésité est une maladie complexe et récidivante, qui nécessite une prise en charge sur le long cours. « Le risque de reprise du poids est important à l’arrêt du traitement, d'autant plus si le patient n'est pas correctement suivi, poursuit Zoltan Pataky. Non seulement par un médecin, mais par un diététicien et un psychologue spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire. »
Des effets indésirables à surveiller
Un suivi médical rapproché permet aussi de limiter l’impact des effets indésirables. Les plus fréquents sont gastrointestinaux, en particulier sous forme de diarrhées, de nausées et de vomissements. « Si le patient est bien accompagné, il aura néanmoins peu de risques de présenter des effets secondaires importants », affirme Zoltan Pataky.
Concernant les effets indésirables plus rares, le manque de recul sur ces molécules ne permet pas encore de tirer de conclusions définitives. « Il y a eu des cas de pancréatites aiguës dans certaines études cliniques ou même de tumeurs de la thyroïde chez la souris, explique le spécialiste. Toutefois, je ne pense pas qu’il faille s’inquiéter outre mesure pour l’instant. Le rapport bénéfice/risque est à ce jour largement favorable. »
Nicolas Schaad rappelle néanmoins que de nombreux traitements commercialisés pour la perte de poids ont été retirés du marché pour cause d’effets secondaires graves. « J'appelle cela les médicaments maudits. L’exemple le plus tristement célèbre est celui du Mediator, qui était lui aussi un antidiabétique détourné pour ses propriétés amaigrissantes. » Heureusement, pas de signaux alarmants concernant les agonistes du GLP-1 à l’heure actuelle. « On peut espérer que dans la famille des traitements amaigrissants, ceux-ci soient les moins maudits. »
La responsabilité du prescripteur engagée
Alors que faire en tant que médecin généraliste lorsqu’un patient demande une prescription d’Ozempic pour perdre du poids ? « Le premier point est de se rappeler qu’en prescrivant hors-indication, on engage sa responsabilité personnelle, rappelle Nicolas Schaad. Ensuite, il faut informer le patient sur les risques et les effets du traitement en insistant sur le fait que ce n’est pas une pilule miracle qui permettra de perdre durablement du poids. Enfin, lui rappeler que le traitement ne sera pas remboursé s’il n’est pas prescrit par un endocrinologue ou un spécialiste de l’obésité. » Et Zoltan Pataky d’ajouter : « Dans l’idéal, si le médecin estime qu'un médicament devrait être prescrit chez son patient, il faut qu’il l’envoie chez un spécialiste, comme il l’enverrait chez le cardiologue ou le neurologue. »
Tableau 1 : Les agonistes du GLP-1
aFormulations régulièrement détournées pour la perte de poids.
GIP : Gastric Inhibitory Polypeptide; GLP-1 : Glucagon-like Peptide-1 ; PO : per os ; SC : sous-cutané.
Archives - Pour aller plus loin
Chartoumpekis, D., Favre L. Agonistes des récepteurs du GLP-1 et du GIP : des thérapies émergentes de l’obésité. Rev Med Suisse. 2023; 9 (819): 555–561. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2023/revue-medicale-suisse-819/agonistes-des-recepteurs-du-glp-1-et-du-gip-des-therapies-emergentes-de-l-obesite
Correia, J., C., Pataky Z. Évolution de la perception de l’obésité : le « poids » des normes sociales. Rev Med Suisse. 2023; 9 (819): 572–575. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2023/revue-medicale-suisse-819/evolution-de-la-perception-de-l-obesite-le-poids-des-normes-sociales
Nest, S., Gilet, P., Vetta, V., et al. Liraglutide dans le traitement de l’obésité : une prise en charge multidisciplinaire. Rev Med Suisse. 2022; 8 (774): 516–521. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-774/liraglutide-dans-le-traitement-de-l-obesite-une-prise-en-charge-multidisciplinaire
Pataky, Z., Favre L. Quel traitement pour nos patients en situation d’obésité ?. Rev Med Suisse. 2022; 8 (774): 505–506. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-774/quel-traitement-pour-nos-patients-en-situation-d-obesite#tab=tab-toc
Berkcan, S., Correia, J., C., Pataky, Z. Comment prendre en charge l’obésité au cabinet d’un médecin généraliste ?. Rev Med Suisse. 2022; 8 (774): 508–511. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-774/comment-prendre-en-charge-l-obesite-au-cabinet-d-un-medecin-generaliste
Favre-Bulle, T. La révolution de la pilule amincissante pour le traitement de l’obésité?. Rev Med Suisse. 2022; 8 (796): 1770–1770. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2022/revue-medicale-suisse-796/la-revolution-de-la-pilule-amincissante-pour-le-traitement-de-l-obesite
Scheen, A., J., Paquot, N. Potentialiser la perte de poids avec les agonistes des récepteurs du GLP-1. Rev Med Suisse. 2021; 7 (747): 1405–1410. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-747/potentialiser-la-perte-de-poids-avec-les-agonistes-des-recepteurs-du-glp-1
Bernard, S., Perdrix, J. Adultes en surpoids ou obèses : effets du sémaglutide. Rev Med Suisse. 2021; 7 (743): 1186–1186. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2021/revue-medicale-suisse-743/adultes-en-surpoids-ou-obeses-effets-du-semaglutide
Blondon, K., Desmeules, J., Vogt-Ferrier, N., et al. La prescription « off-label ». Rev Med Suisse. 2008; -6 (165): 1661–1665. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2008/revue-medicale-suisse-165/la-prescription-off-label